Extrait de l'impasse

-          Je vais être pleine de toi, grosse de ton sperme ? ? ? ?

Parce que de galbes en rebonds, elles perlent d'elles mêmes comme une bourgeonnante saison, un printemps de colostrum, parce que leurs anatomies rebondies engrossent les rues du plus précieux des sentiments, l'espoir, parce qu'elles sont le plus impliqué et le plus généreux des dons d'organes, parce qu'elles perpétuent l'ambivalence de l'espèce puisqu’en le  jacuzzi amniotique, peut aussi bien prospérer un indomptable paladin qu'un poltron calfeutré de coudières, un Verlaine qu’un Hitler, parce que ce sont des magiciennes nous emportant au delà de notre longévité, parce qu'elles sont à la croisée du masculin et du féminin puisque neuf mois durant elles peuvent être cet hermaphrodite conjuguant vulve et  pénis,

parce que au-delà des nausées, de la somnolence, de la fatigue, des jambes lourdes, des doudounes douloureuses, de l'incontinence, des sautes d'humeur, de l'allure d'amouillante, le dialogue pré natal unit à jamais le fœtus à sa première demeure et permet à celle-ci de développer une intuition décodant avec assez d'aisance l'espace entre les " areu " pour comprendre son mouflet bien avant le stade oral ainsi que pas mal de silences de ce même bébé devenu grand et des adultes en général. Intuition les branchant sur la vérité de ces êtres en devenir leur  accordant l'inestimable faveur d'accomplir ce voyage temporel que leurs organismes ne peuvent accomplir, ( ce que les hommes tentent d’oublier en demandant à leurs bolides d'abréger au maximum la savonneuse pente du temps comme s'ils cherchaient à en inverser le mouvement pour remonter vers le placenta,) parce qu’un gros ventre est l'exubérant indice d'une queue, parce que cette piqûre de loustic qu'elles portent en avant comme une offense aux bonnes mœurs contredit ces leçons de maintien ou l'on recommande aux petites filles modèle de bien serrer les genoux pour nier que leur mission biologique réclamera leur écartement le plus obscène, parce que l'assaut hormonal transfigure les  prudes en nymphomanes,  parce qu'elles sont le seuil et le deuil de l'existence, parce qu'elles nous aspire en gémissant  de plaisir et nous  expulsent en  hurlant de souffrance, parce qu'elles couvent ce que le mecton éjacule d'une pine distraite, parce que elles sont l'encyclopédie de la vie, parce que cette voluptueuse boursouflure est la seule prophylaxie capable de repousser  la dissolution des utopies, parce qu'elles sont les figures tutélaires de civilisations à venir avec tout ce que cela induit de merveilles et de barbarie, parce que leurs offensives bedaines, leurs bosses ventrales sont autant de planètes nourricières,  parce que leurs nombrils bourgeonnent comme des boutons de nénuphars sur cette mer en volume, parce qu'elles sont ces majestueuses montgolfières en impesanteur dont  Patrick jalousait de toute la force de son âme la luxuriante fertilité, parce que cet état de plénitude rappelle que l'animalité est le plus beau compliment qu'une existence  puisse offrir au corps féminin, parce qu’elles sont ce triomphant hymne à la saillie pour ceux qui comme Patrick raffolaient de cet état superlatif de la femme car c'était le seul moment où leur dépendance égalait la sienne, parce que porter le fruit de nos ébats est une rassurante forme de servitude pour ceux que les amazones urbaines effraient. Cariatides essoufflées aux rondeurs tendues, trainant péniblement la jouissance mâle, devenue pan d’humanité porté à bout de hanches. Leurs ventres gonflant sous la semence comme des voiles sous le vent et éclatant comme des pastèques à la pleine lune, accentuaient sa créativité d'homme affolé par la stérilité de ses entrailles. Depuis ses premiers poils, Patrick ne  parvenait pas à s’arracher à la contemplation des femmes enceintes dont le tranquille tangage,  l'apaisant roulis, le précipitait dans une quiétude à faire bisquer le Dalaï-lama en personne. Parce que cette outrance de la féminité témoignait du seul pouvoir qu'il avait sur elle, parce que cette placidité repue d'elle même, cette plénitude mystique l'avait toujours durci de désir, parce que la puissance créatrice du foutre fascine et que celle de la passion égare,  parce qu'il y a vie réelle et vie fantasmée,  parce qu'un cerveau est la plus prodigieuse somme de paradoxes, qu'il barbotte dans un vertigineux bafouillage de contradictions, ce fanatique de la courbe augmentée qui n'avait absolument pas l'intention de se reproduire, ce trentenaire inachevé qui idéalisait trop la paternité pour la gâcher de son immaturité, oublia le danger et répondit à sa compagne ce qu'il n'aurait jamais dû répondre  :

-          Oui tu seras grosse de moi mais plus tard, hein, plus tard ? 

Christelle  lui adressa un regard comblé :

-          Bien sûr mon cœur, n'aie pas peur.

Patricia Rezé-Rébulard 23.02.2022 16:24

Un bel éloge à la femme qui porte la vie, rempli de belles métaphores sur la métamorphose du corps. J'aime le cliché en introduction. Riche vocabulaire aussi.

christian chauffour 14.08.2018 13:50

eh bien joelle tu me fais plaisir
merci à toi

joelle fleury 14.08.2018 09:02

vie , tu nous mets en lumière , et de quelle façon !!!! j'aime définitivement ce que tu fais , je me sens grandie MERCI MERCI MERCI MERCI

joelle fleury 14.08.2018 08:59

je ne m'en lasse pas de cet hymne à la vie si riche de ton vocabulaire , de ta vision des choses , je prends soudain conscience de notre pouvoir de donner la

christian chauffour 19.07.2018 16:07

merci joelle !!!!!!!

joelle fleury 19.07.2018 15:04

magnifique hymne à la vie

christian chauffour 14.03.2018 00:32

merci encore myriam

Myriam CUKIER 13.03.2018 18:22

les photos sont magnifiques , vivantes

christian chauffour 22.11.2017 11:02

merci danielle c est gentil

Danielle 18.11.2017 07:14

Très beau texte.

Elfie Kewin 20.03.2017 22:10

Fort intéressante, la photo du bas

Maryse B 02.05.2015 21:22

Beau témoignage du don de vie....

christian chauffour 21.03.2017 11:43

merci maryse

Commentaires

30.11 | 16:08

merci anna

10.09 | 13:07

Mince je suis coulrophobe...😉

18.07 | 11:55

J'aime

15.04 | 11:41

Chapeau mec tout y est, dans les moindres détails, une portée littéraire digne ...