Extrait de Patchwork

Sérénité

 L’air est doux  mais le fond en est frais. C’est ce que disent les gens en se saluant  d’un hochement de tête. Les enfants sentent bon le gel douche exotique et les pyjamas des bambins, la lessive. Visages et vêtements son bien repassés.

Parfumées de fond en comble,  les adolescentes se sont fardées, pomponnées  longuement devant la glace, ont hissé les couleurs.

Échange de fringues entre copines, de rouges à lèvres, de petits hauts, de petits  bas dégotés pour trois fois rien dans une friperie pour petits seins pointus.

Jupettes  affriolantes, turquoise,  fuchsia,  dessous  propres,  elles sont prêtes à être aimées comme leurs célibataires de  mamans qui essaient de se faire  passer pour leurs grandes sœurs.

Un papa quadra à jeté un polo blanc de tennisman sur ses épaules enveloppés d’un Lacoste jaune mettant bien en relief le petit  crocodile vert.

Cheveux grisonnants,  mi-longs, coiffés en arrière, ce  Playboy d’antan  tient  son boutonneux de fiston par l’épaule. Décontractés, mais regardant en douce si on les regarde, ils vont d’un pas  presque tranquille au New Must, la boîte du coin. Parasols vains, grands abat-jour  au chômage  chapeautant  les derniers estivants digérant à la fraîche. Sur les tables, bouteilles de rosé frappées d’insolations décédées.

Restes de melon, salade estivale, grains jaunes du maïs,  cubes de jambons,  quartiers  de lune  rouges  comme  des  tomates de constater  l’impudique   blancheur de gorge dénudée des tranches de mozzarella.

Retardataires traînant des pieds pour remonter vers la grande conurbation dont le vrombissement lointain annonce la rentrée.

Quand début de septembre, il faudra acheter à la hâte les dernières fournitures scolaires. Règles, compas,  rapporteurs,  classeurs,  trousses dans les rayons pratiquement dévalisés qui,  une  quinzaine de jours plus tard,  commenceront à  crouler sous les pyramides  de crottes de chocolat et les guirlandes brillantes et chamarrées.

Couloirs frémissants,  piétinements agglutinés, effrayés des anciens grands  du primaire et nouveaux petits du  collège, tout pimpants, tout neufs.  Les 6 ème, effrayés par le chahut brutal des 3 ème au look  de manga-cyborg, effectueront un repli stratégique. Vêtures amples capables d’abriter d’importantes fratries. Allures de faux durs, fringués de marques de la tête aux pieds.

 Tonnes de gel dressant leurs cheveux comme des arêtes de poissons mais leurs regards inquiets crieront "MAMAN" tout en  cherchant leur classe, 6 ème A, B ou C. Ils resteront glués au  meilleur copain du CM2 en croisant les doigts pour qu’il soit avec eux. Mais pas de panique, y à encore le temps, avec l’autoroute  on est à Paris en cinq heures. Un chien lève la patte au pied d’un tilleul. Répondant à l’appel silencieux de son maître, il trottine allègrement vers lui.

Ça sent les vacances finissantes, la menthe, le foin coupé, colporté par un souffle léger. Odeur caressante des meules posées  dans les champs comme de pailleux coulommiers sur lesquels les gosses sautent toute la journée en les décoiffant pareillement aux chignons des  grands-mères, quand les grands-pères retrouvent la vigueur de leur jeunesse.

Jeux espiègles  faisant pester le  fermier qui menace d’aller chercher son fusil en ajoutant avec cet  humour pas très couru dans les salons parisiens : " Foutez-moi le camp bande de vauriens ou vous allez avoir un trou du cul en plus ! ".

Il n’y a  pas de bourdonnements  de  moustiques, pas de vrombissements de mobylettes dont les pilotes fabuleux après avoir fait des roues arrière sur le parking du Champion tout l’après-midi  sont partis  imiter les adultes congestionnés levant  le coude  au bar  le Longchamp  dans  un bled voisin.

De rares voitures,  de  rares bicyclettes traversent la paisible place, magistralement ombragée à cette  heure tardive. Elles glissent sans pétarades, sans à-coups, fluides, irréelles. On distingue à peine les conducteurs. Véhicules fantômes pilotés par des hommes invisibles.

Des feuillages frémissent lascivement. Des vieux, tout en discutant sur leurs pas-de- porte laissant  échapper des  rayons de lumière céleste, cherchent à identifier les ombres se fondant à  la pénombre grandissante.

À 22 H 10, le 25 aout 2008,  dans au moins un village de cette planète en furie, la sérénité s’est imposée.

christian chauffour 22.08.2018 21:41

content qu'il te plaise

joelle fleury 22.08.2018 15:52

bcp d'humour ds ce texte

Maryse B 02.05.2015 21:16

C'est vrai et amusant......

Commentaires

30.11 | 16:08

merci anna

10.09 | 13:07

Mince je suis coulrophobe...😉

18.07 | 11:55

J'aime

15.04 | 11:41

Chapeau mec tout y est, dans les moindres détails, une portée littéraire digne ...