Fais dodo

Fais dodo  Colas mon p’tit frère,  fais dodo t’auras du lolo,  

Maman est en haut qui fait du gâteau, papa est en bas qui fait  du chocolat, fais dodo Colas mon petit frère,  fait  dodo, t’auras  du lolo.

C’est joli émouvant ces dentelles de sentiments enfouis.

Cet amour irraisonné des parents choyant le ventre gros qui dort dans son berceau.  

Bouleversantes, ces berceuses  qui nous endormaient sur la pointe des mots et des cœurs,   ça touche au plus tendre de nous-mêmes, ces couplets enfantins réveillant  les images quand nous étions bambins.  

Les  grands, ombres bienveillantes,  tout en chuchotements précautionneux  qui  s’éloignaient sur la pointe des pieds,  nous laissant dans la pénombre de notre  chambre étoilée de ritournelles apaisantes,  lorsque nous étions sur le point de fermer nos petits yeux piquants de sommeil.  

Sous  leurs pas empreints d’ineffable tendresse,le parquet craquait légèrement comme une biscotte timide.  

Images pastels  dont même les vieillards  se souviennent.   

Ils  crient " maman " avant de partir.  

Une  copine  de papa qui travaillait dans un hospice nous  l’a dit.

 Moi, mon petit frère Lucas, je l’ai étranglé  dans la ventre de maman avec  le cordon ombilical.  Il  est sorti tout bleu,  tout cyanosé.  

Dommage,  son teint était coordonné à ses yeux qui auraient été bleus.  

Maman a beaucoup pleuré, mais elle m’a serré d’autant plus fort dans ses bras éplorés.  

C’était mon jumeau, il prenait  toute la place, m’écrasait le crânes avec ses fesses  et avait une haleine  de chameau  qui empestait toute la bulle amniotique.

En plus,  il avait déjà  la tête d’épouvantail à fentes de Houelbecq.

Avec les gonzesses,  il aurait pris râteau sur râteau, à monter un rayon chez Casto.  

Franchement,  je lui ai évité le pire avec ce meutre in utéro.  

C’était un pur et dur de futur hétéro.

Moi je m’en fous,  je serai homo et intello donc ma tronche a beaucoup moins  importance.

En tout cas  comme ça,  tout l’amour de paman,  c’est pour moaaaaaaa !!!!

Avec mon premier nid,  on va souvent au cimetière nous recueillir sur sa petite tombe blanche et parfois, elle me lâche la main pour aller voir la grosse dame en mauve qui à perdu, Morgane, sa petite fille de 5 ans dans un accident de manège.

Depuis le petit avion rouge qui tournait en rond, elle  a sauté en parachute sans parachute.  C’est quand même con les filles, on a ramassé une bouse rose, d’oestrogènes tout frais.  

Pendant que les deux mamans  papotent, je fais pipi sur la sépulture immaculée  de Lucas en lui chantant ,

fais dodo,  Lucas petit frérot,  fait dodo,  comme ça  j’ai tous les cadeaux !!

Fais dodo colas mon p'tit frère

Patricia Rezé-Rébulard 25.02.2022 16:03

Un ciel bleu qui soudain se gâte pour devenir sombre, très noir. Ça surprend comme l'orage : on ne s'y attend pas ! Très bien dépeint ce sentiment de jalousie.

isa 03.01.2020 22:24

Bel hommage !

christian chauffour 20.08.2018 16:30

c juste de l humour noir joelle rien de plus

joelle fleury 20.08.2018 15:34

magnifique , intéressant ce crescendo , on démarre ds la douceur pour finir ds la haine , la douleur a du etre vive

Maryse 10.06.2015 23:50

sourire.....
mélange d'amour, de haine, de jalousie chez l'enfant......
avoir l'exclusivité quand on est petit.....
Original cette comptine revisitée

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Commentaires

30.11 | 16:08

merci anna

10.09 | 13:07

Mince je suis coulrophobe...😉

18.07 | 11:55

J'aime

15.04 | 11:41

Chapeau mec tout y est, dans les moindres détails, une portée littéraire digne ...